Juillet 2008, Grand Amphi de l’Hydro de Marseille, 11h00 : « sont reçus à l’examen de 3ème année de Marine Marchande : ……………………HAMON Fanny…………………………
Ouf, c’est bon, ils ont dit mon nom !!! Ca y est les vacances commencent, la liberté aussi. Avec cet examen en poche, libre à nous de choisir notre voie, les possibilités pour effectuer nos temps d’élève sont nombreuses. Il suffit d’avoir quelques idées, quelques rêves pour que de nombreuses aventures s’ouvrent à nous.
Pour ma part, j’ai décidé après mon examen d’aller naviguer sur les 3 mâts de l’Association du Père Jaouen de Brest. Beaucoup de mes amis avaient déjà navigué sur ces bateaux et étaient revenus avec de fabuleux souvenirs. Le récit de leur expérience me paraissait tellement formidable que je ne pouvais pas passer à côté. J’ai donc été acceptée à l’AJD (Association du Jeudi Dimanche) pour l’été dans un premier temps car j’avais dans la tête de finir mes temps d’élève avant et de tenter cette expérience après être brevetée. Après 3 semaines de navigation en Ecosse, plusieurs traversées vers les Scilly, de nombreux passages dans toutes les îles bretonnes, la fin de l’été approchait : je ne pouvais pas arrêter comme ca, j’étais en train de commencer une expérience unique à laquelle je ne pouvais mettre fin au bout de 2 mois. Ma décision fut rapidement prise : je continue l’aventure cette année. Je m’engageais donc à finir le programme estival du Rara Avis jusqu’en octobre, à travailler sur le chantier de l’association qui assure l’entretien et les réparations des bateaux et enfin à faire partie de l’équipage d’un des 3 mâts pour accomplir la boucle de l’Atlantique Nord.
L’automne au chantier constitue une partie très intéressante de cette année puisqu’elle permet à tous les jeunes qui y travaillent de s’initier aux différentes techniques que requiert l’entretien d’un bateau (charpente marine, mécanique, électricité….). Toute l’attention pendant cette période est portée sur les 2 bateaux principaux de l’asso : le Rara Avis et le Bel Espoir. Le premier est un dériveur de 30m en acier propulsé par ses 700m2 de voiles en gréement Marconi ou par ses 2 moteurs Baudouins de 250CV chacun. Le Bel Espoir, qui a l’allure d’un bateau de pirate avec son gréement aurique, est tout en bois.
Le 21 décembre, les bateaux sont comme neufs, anti-foulings impeccables, moteurs rutilants, gréement optimisé au maximum. Par contre le franc-bord diminue un peu étant donné la quantité de vivre que l’on charge mais surtout à cause des 40 personnes embarquées avec des quantités de bagages astronomiques ! Et oui, en dessous des 15 vestes polaires et chaussettes de ski, se cache un petit maillot de bain. On n’y croit pas encore à ce moment là, lorsqu’on est encore sur le quai à Brest où que l’on est en plein Golfe de Gascogne en train de se dire ce que l’on fait là, mais on sait quand même que ce maillot de bain sera dans quelques semaines la tenue officielle à bord des bateaux.
Les amarres sont larguées, les proches sont sur le quai. On se dit à dans 7 mois. L’émotion est là mais l’excitation du départ est plus forte, à peine quitté le ponton, notre esprit est déjà parti ; cap sur Lisbonne. Les bateaux connaissent la route, cela fait 30 ans qu’ils font la même, malgré ça, l’équipage est quand même indispensable pour assurer les quarts. Autant se faire bien voir dès le début par les passagers car ils sont très utiles pour venir tenir la barre ; et non pas de pilote auto !
4 jours pour traverser le Golfe de Gascogne et longer les côtes portugaises avant de rentrer dans le Tage, le fleuve qui mène à Lisbonne. L’escale a duré plus longtemps que prévu à cause de conditions météo difficiles. Ce n’est qu’une semaine après que nous reprenons la mer direction les Canaries. Las Palmas sur l’île de Gran Canaria nous accueille pendant 3 jours le temps que nous fassions le plein de produits frais, de gasoil et que nous profitions de la beauté des paysages canariens. Il a fallu repartir car les Iles du cap Vert nous attendaient ! Ces îles accessibles après 7 jours de mer des Canaries offrent un dépaysement total grâce à ses saveurs d’Afrique. Nous avons tous été séduits par ces îles où la population est très accueillante. Nous avons quitté ces cap verdiens à contre cœur mais les Alizées n’attendent pas. Il était temps de commencer notre transat. Les Alizées étaient présents comme il le faut, accompagnées de la houle de Nord Est de l’Atlantique. Grâce à eux, la propulsion Baudouin ne fut nécessaire que 2 jours sur les 10 jours qu’a duré la traversée. Le 1er février, jour de notre arrivée aux Antilles marque le début de 4 mois de cabotage entre les différentes îles des Caraïbes avec comme lieu d’attache principale « les Anses d’Arlet » en Martinique. 4 mois entre Trinidad pour le Carnaval,
Et puis comme les bonnes choses ont une fin, au bout de 4 mois il a fallu penser à repartir. Nous avons dans un premier temps remonté les petites Antilles pour arriver jusqu’au Iles Vierges anglaises. De là nous avons quitté la terre pour 18 jours de traversée. Malheureusement le vent n’était pas de la partie sur la première moitié de la transat et pourtant nous étions montés le chercher jusqu’à la latitude des Bermudes. Au bout de 8 jours, Eole s’est réveillé et nous a propulsé jusqu’aux Acores. Cet archipel en plein milieu de l’Atlantique est un bijou de la nature. Ce sont des îles volcaniques très vertes, réputées pour leurs petits murets de pierre, leurs vaches et leurs hortensias. C’est un paradis pour les amoureux de nature, férus de randonnées. Mais c’est aussi l’escale tant attendue des marins après leur traversée de l’Atlantique. Le Peter’s Bar à Horta est le symbole même de cette réunion de marins solitaires ou non, heureux de faire partager leur aventure avec d’autres. Le concours de celui qui a vécu la situation la plus extrême mais qui s’en sort quand même est implicite mais tout le monde sais que le marin a besoin de reconnaissance.
Les Acores constituaient la dernière escale de cette boucle de l’Atlantique Nord. Le départ de Sao Miguel, une des îles du sud de l’archipel portugais avait un goût un peu amer même s’il restait encore 8 jours de traversée. 20-25 voir 30nds de vent permanents de SW nous ont permis d’assurer une vitesse moyenne de 7-8nds. Brest est arrivé vite, trop vite car la boucle se bouclait, l’aventure se terminait, mais les souvenirs restaient.
L’arrivée le 8 juillet à l’Aber Wrach était mémorable. Des dizaines de bateaux étaient là pour nous accueillir. Une sensation étrange nous envahissait : nous nous sentions émus et heureux de voir cette accueil mais nous nous sentions aussi déranger dans notre quotidien et notre cocon que nous avions crée à bord. Une sensation d’être déposséder de notre cher bateau nous a envahie lorsque le public est monté à bord. Malheureusement nous ne pouvions rien dire, il fallait s’y faire, se faire une raison sur le fait qu’il fallait « rendre » notre bateau qui a été le « notre » pendant 7 mois.
Voila un résumé de mon expérience à l’AJD. Résumer 7 mois d’aventure en 2 pages nécessite de passer tous les détails mais j’espère que mon récit vous fera envie et que vous vous lancerez comme moi dans cette année insolite.
Pour le côté pratique de la chose, en intégrant l’asso après votre exam de 3ème année, vous pouvez validez tous vos temps d’élève Pont mais rien en machine.
J’espère rencontrer l’un d’entre vous un jour sur les bateaux de l’AJD ou au chantier car sachez qu’en rentrant dans l’asso vous rentrez également dans une grande famille.
Je suis prête à répondre à vos questions si vous en avez. [email protected]